Comment créer une carte tactile accessible pour les non-voyants
Préambule
Notre mission aujourd’hui est de fabriquer une carte tactile accessible pour les non-voyants. En l’occurrence, la carte des nouvelles régions de France. Cet exemple est à la fois simple et assez complet pour l’extrapoler sur d’autres types d’images. Il s’agit typiquement du genre de cartes qu’on utilise comme support didactique.
Cependant, l’édition d’images en relief obéit à beaucoup de règles très rigides qu’on doit absolument connaître. Nous n’allons pas toutes les détailler ici, mais vous trouverez mes sources si vous voulez aller plus loin et passer à l’action.
Pour vérifier que notre carte remplit bien sa fonction (informative), nous procéderons donc à un petit test de validation. Mais nous verrons cela par la suite. Pour l’instant, nous devons préciser quelques points importants.
Prérequis
Quelques prérequis théoriques sont nécessaires pour bien comprendre les prochaines étapes. Promis, ça ne sera pas long et je tâcherai d’être clair.
Quel est le but d’une image tactile ?
Le but d’une image tactile ou d’une image en relief est de transmettre des informations déterminées via le canal haptique.
Un peu perdus ? Pas de panique, décortiquons ensemble cette définition.
L’haptique est au toucher ce que l’acoustique et l’optique sont respectivement à l’ouïe et à la vision. C’est-à-dire tous les phénomènes qui permettent de ressentir son environnement par le contact physique. Pour faire plus simple, c’est ce qui nous permet de ressentir :
- les textures ;
- les formes ;
- la douleur ;
- la position de notre corps dans l’espace ;
- le poids des objets ;
- la dureté d’un objet ;
- la chaleur ;
- etc.
On parle ici de canal haptique, car les informations contenues dans la carte tactile passent par cette voie jusqu’au cerveau. C’est lui qui se charge de les interpréter et de leur donner un sens. Cela étant dit, passons maintenant au deuxième point.
Quel est le principe fondamental pour adapter une image pour les non-voyants ?
Passer d’une image visuelle à une image en relief, c’est adapter les informations qui y sont contenues. Ceci fin qu’elles puissent être véhiculées par le canal haptique.
Il s’agit donc de transformer les informations visuelles en informations tactiles. Mais cela ne se fait pas sans contraintes, car les deux modalités sont très différentes. Avec la vision, on peut explorer une image presque instantanément, avec une discrimination des couleurs et beaucoup d’autres détails à très petite échelle. Contrairement au toucher, où les seuils de discrimination sont plus importants. C’est le cas, par exemple, des courbures de traits. Si elles ne dépassent pas les six millimètres de diamètre ne seront pas repérées au toucher. Cet exemple sera très important dans notre cas. En effet, une carte géographique c’est avant tout des lignes biscornues qui délimitent des frontières.
Préparation de la carte
La partie théorique étant terminée, nous pouvons maintenant passer à la préparation de notre carte.
J’ai téléchargé une image sur une plateforme publique (libre de droits) qui représente la carte des nouvelles régions de France. Voici le lien :
Cette image est au format PNG, c’est donc une image matricielle. Cela signifie que l’image est constituée de petits carrés qu’on appelle pixels. C’est l’unité fondamentale de l’image. Si l’on zoome suffisamment sur une partie de l’image, on finira par apercevoir ces pixels. Ce format n’est donc pas adapté pour la modification des contours des frontières. En effet, ceux-ci ne sont qu’une illusion pour l’œil. il s’agit juste une soupe de pixels. Il faudra la cuisiner à notre goût. Mais avant de commencer, nous avons besoin d’un ingrédient très important. Nous allons l’obtenir en répondant à la question suivante.
Quelles sont les informations que je veux transmettre ?
En répondant à cette question, on va dans un premier temps déterminer les informations importantes pour les accentuer. Et dans un deuxième temps, éliminer toutes les informations superflues qui parasiteraient la perception tactile. Pour notre carte, j’ai choisi les informations suivantes :
- Le nombre de régions ;
- Les noms des régions ;
- Leurs tailles relatives (aux autres régions) ;
- leurs positions relatives (aux autres régions).
Adaptation de l’image pour une impression en relief
Maintenant que nous avons déterminé les informations à transmettre, il ne reste plus qu’à les adapter. Pour cela, nous allons utiliser un logiciel d’édition d’images très puissant nommé InkScape. Ce logiciel est libre et est téléchargeable sur le lien suivant :
Dé-complexifier les lignes de l’image
Le but de cette manœuvre est de faire ce qu’on appelle une généralisation cartographique. Cette opération consiste à éliminer les détails qui ne nous intéressent pas. Ou plutôt, à diminuer la complexité de la carte avec un certain niveau d’abstraction. Ceci sans pour autant fausser la réalité de la carte. Pour nous, la généralisation va se traduire par un lissage des contours des régions, une simplification de leurs formes tout en gardant leurs aspects. C’est une sorte d’identité géométrique de chaque région. L’astuce que j’utilise pour garder l’identité géométrique d’un objet, c’est de résumer une ligne sinueuse en deux formes rudimentaires (concaves et convexes). Nous verrons par la suite que notre éditeur d’images est capable de faire ces opérations tout seul, comme un grand.
Je vous ai dit tout à l’heure qu’on ne peut pas modifier les lignes de notre image matricielle, pour y remédier, nous devons la transformer en image vectorielle, donc procéder à une vectorisation de l’image matricielle. Je sens qu’un petit point sur les images vectorielles serait le bienvenu.
Les images vectorielles
Pour bien comprendre la différence entre une image matricielle et vectorielle, on va prendre deux images de chaque format. Ces images représentent la même chose : un cercle noir sur un fond blanc d’un rayon de cinq centimètres. Ainsi, on aura deux fichiers :
- Cercle.png qui est notre image matricielle.
- Cercle.svg, SVG comme Scalable Vector Graphics (en français graphique vectoriel adaptable). C’est l’extension que portent fièrement les images vectorielles.
Toute la surface de la première image est constituée de pixels, blancs à l’extérieur et à l’intérieur du cercle et noirs sur le périmètre. Le fichier numérique Cercle.png contient en réalité la couleur de chaque pixel en fonction de sa position dans l’image. Par contre si on regarde ce que contient le fichier Cercle.sgv, nous allons trouver :
- les coordonnées du centre du cercle ;
- son rayon qui est égal à cinq centimètres ;
- la couleur du cercle et celle du fond.
L’ordinateur recalcule les données
Chaque fois qu’on affiche l’image, l’ordinateur calcule le périmètre du cercle (2 x PI x r) et l’affiche à l’écran.
Donc, même si on zoome sur un segment du cercle, l’ordinateur refera le calcul à chaque fois et on ne verra jamais de pixels ni de détérioration de l’image.
Si l’on veut modifier la taille de notre cercle, rien de plus simple, nous avons qu’à modifier la valeur du rayon dans notre fichier Cercle.svg et le tour est joué.
Nœuds, lignes, et autres formes
Il y a une dernière chose à connaître à propos des images vectorielles. Elles sont constituées de points qu’on appelle nœuds (Nodes), de lignes qu’on appelle chemins (Paths), et d’autres formes géométriques qui sont calculées à chaque affichage de l’image.
Plus une courbe est rectiligne moins elle contient de nœuds et inversement. Avec InkScape on peut justement diminuer le nombre de nœuds. On va s’en servir pour la généralisation de notre carte des nouvelles régions de France après l’avoir vectorisée évidemment. Pour ce faire :
- on importe l’image dans InkScape et on sélectionne l’option Vectoriser un objet matricielle dans l’onglet Chemin ;
- une boîte de dialogue s’ouvre, pour paramétrer les options de vectorisation ;
- on coche la case Détection des contours et on valide avant de fermer la boîte de dialogue.
Maintenant, nous avons deux images superposées, l’image d’origine qu’on peut effacer en la sélectionnant avec le curseur de sélection et transformation d’objets puis bouton supprimer, il nous reste désormais que notre image vectorielle.
La suite… dans la deuxième partie !
Dans la deuxième partie de cet article, nous verrons comment transformer l’image vectorielle que nous avons obtenue. Nous verrons également les outils utilisés pour l’imprimer en reliefs, et enfin, les résultats des tests de validation.
Bonjour je voudrais transformer un jeu qui est le skyjo pour une personne mal voyante! C’est faisable ?
Cordialement
Bonjour,
Ce jeu ne fait malheureusement pas partie de ceux que nous proposons adaptés. Nous ne sommes pas en mesure de vous conseiller pour cette adaptation, nous ne disposons pas en interne de personne compétente pour réaliser de telles adaptation.
Nous sommes désolés de ne pas pouvoir vous aider plus, cordialement,
Ceciaa
Bonjour,
J’ai une entreprise qui adapte, entre autres, des jeux pour les personnes déficientes visuelles. Je ne sais pas si l’adaptation de ce jeu est faisable mais je veux bien y réfléchir !
N’hésitez pas à me contacter à l’adresse suivante : contact@mlva37.fr ou à aller sur mon site « Marie-Laure vous accompagne ».
Je suis à votre disposition pour échanger sur l’adaptation de ce jeu.
Bien cordialement,
Marie-Laure
Très bon article Monsieur Yousfi